1972 suite

Ils veulent aussi que tout ce qui s'élabore rue des Caves puisse faire tache d'huile et rejaillisse sur le monde. Un vaste projet prend corps, celui d'un journal, fer de lance de la vraie vie. Le premier numéro de l'Hebdo Sèvres paraît fin avril. Il a pour sous-titre "Aujourd'hui nous prenons les maisons, demain la ville...".Pourquoi une feuille hebdomadaire? lit-on dans le n°1. Parce que nous sommes un groupe qui voulons analyser ensemble ce que nous vivons, ce qui se passe dans notre vie, le moyen de changer cette société où quelques-uns décident pour tous (...) Nous refusons que quelques spécialistes de la politique, les permanents des partis, décident, parlent pour nous,écrivent pour nous (...) mieux vaut 1000 journaux en un exemplaire qu'un journal à 1000 exemplaires.

A l'occasion de la quinzaine commerciale, la publicité est prise pour cible, suivent une critique de la famille, de la place des femmes dans la société...
A raison de trois à quatre réunions par semaine, la vie intellectuelle est intense au 22. Il n'empêche que l'on s'y marche sur les pieds et qu'il devient urgent d'obtenir de nouveaux espaces.
Jacques Marel hésite à établir de nouveaux contrats, mais André Séguéla, l'adjoint chargé des finances dont la fille est une amie de Dominique, est prêt à faire quelque chose.
En juillet, on lui propose de louer des maisons à des associations, il accepte.
Bien sûr, il s'agit d'une couverture permettant de nouvelles installations, Séguéla n'est pas dupe mais les formes sont respectées.
Les 7, 12, 12 bis et 18 ainsi qu'une petite maison dans la cour du 18-22 sont louées à des associations : ACRV, Famille 2000, Groupe de recherche cinématographique...
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Edith Lavois est à la camera, Dominique Riquier l'assiste

Dans le même temps, la communauté du 22 qui s'est imposée une "semaine de réflexion" pour faire le point, éclate en deux groupes. L'implosion a une justification pratique : la surpopulation, mais il y a aussi autre chose. Au sein de la communauté, une fracture est apparue entre ceux qui pensent qu'une solide organisation matérielle est nécessaire pour construire un espace de liberté et ceux qui, comme Gérard Vapreau, pensent que "l'obsession des problèmes ménagers cache souvent une incapacité à penser sa propre existence". Les premiers, qui forment le groupe des "manuels", s'installent dans le bas de la rue au 7 et au 10, un immeuble qui est en passe d'être loué par l'association Survivre et Vivre. Les seconds, le groupe des "intellectuels" gardent le 22, le haut de la rue. Rouben, Romain, Gérard et Alain, qui s'installent au 12 et au 12 bis, sont extérieurs au conflit. Ils sont attentifs, proches mais différents. Plutôt plus âgés, ils ont "fait 68" et traversé différents mouvements gauchistes anti-autoritaires comme VLR, Vive La Révolution. Ils travaillent, ont le téléphone et la télévision, redoutables symboles de l'ordre bourgeois. C'est d'ailleur comme cela qu'on les appelle, les gens du 12, les "grands" du 12, ce sont " les bourgeois ". Malgrès ces clivages naissants, l'ambiance est à la fête. On n'a pas encore pris la ville mais déjà presque toute la rue, il faut que cela se sache.

L
Tract distribué par "Les irrécupérables"

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