1983

A trois mois des municipales, Sèvres est en ébullition. La mairie est devenue le point de ralliement de tous ceux qui, à gauche, veulent faire quelque chose. Roger Fajnzylberg, qui conduit la liste, manage tout cela de main de maître. L'association Sèvres Demain a un local dans le bas de Sèvres, elle édite un hebdo qui bien au-delà des réalisations municipales rend compte de tout ce qui bouge dans la ville. Réalisée par des professionnels, l'organe de Sèvres Demain est un véritable magazine, propagandiste mais pas ennuyeux, dans lequel des personnalités déclarent sur tous les tons "Nous avons un bon maire, gardons-le !". Parmi elles, Maude Upson, habitante du 18 et animatrice du planning familial, est en bonne place. Elle est d'ailleurs présente sur la liste.
A droite l'union s'est faite autour du nouveau conseiller général, Jean Caillonneau. Charles Pasqua, leader musclé du RPR, a dépêché à ses côtés Jean-Jacques Guillet, un homme à lui. Il est jeune, décidé, et comme de nombreux proches de Charles Pasqua, a fait son apprentissage politique à l'extrême-droite. Le tandem Caillonneau-Guillet n'a pas les moyens du maire de Sèvres, et de ce fait, ne s'encombre pas de subtilités. Il dénonce les socialo-marxistes, point à la ligne.
Fajnzylberg contre-attaque en cherchant de nouveaux soutiens. Il quémande la neutralité

 

des communistes. Fait de l'oeil aux intellectuels. Soutient les artistes d'avant-garde - Thierry Cowet, peintre, et Gilles Rey, plasticien, exposent dans le futur centre culturel, l'usine de caoutchouc MPMC que la ville vient de racheter. Il donne même satisfaction aux "gauchistes" - ARAIVA obtient la garantie communale pour le rachat de quatre immeubles : les 86/88 Grande Rue et 9/11 rue des Caves. On est loin du projet de départ qui visait 5 000 m2 mais avec la garantie communale l'opération prend corps.
Au sein du quartier, une nouvelle association vient de naître : Espace et Vie au centre ancien de Sèvres. L'article 2 des satuts précise ses buts : Des habitants ayant pris en charge leur espace de vie dans le quartier "Centre ancien de Sèvres", s'associent afin de poursuivre cette expérience, engagée depuis 1970, au travers de la réhabilitation de leur quartier. L'association Groupe d'habitants a trouvé son double !
Double ? Pas tout à fait, l'initiative cette fois vient du bas de la rue et l'association adopte un style plus formaliste que toutes celles qui l'ont précédée. Pierre Lemasson, qui professionnellement a beaucoup travaillé avec des Amicales de locataires n'est pas pour rien dans cette mise en forme. Il sait que l'on ne réunit pas un groupe disparate sur un mode informel. Surtout lorsque l'on escompte des résultats concrèts. Dans un premier temps, l'objectif d' Espace et Vie est d'être représentative. Dominique Riquier est désignée comme présidente, Philippe

 

Dans les coulisses du Gros Balzac l'équipe de Qui vive ripaille
Thierry a mis les petits plats dans les grands

Rambeau comme trésorerier. Ce sont des personnalités consensuelles qui devraient pouvoir sceller l'alliance de tous les habitants.
Le bas de la rue entend malgré tout marquer sa prise de pouvoir, deux décisions symboliques sont prises. La première consiste à remercier le groupe de travail créé en 1982 et à choisir ses propres experts. La seconde vise à mettre des bâtons dans les roues d'ARAIVA, qui a le front de revendiquer le 9 et le 11, Espace et Vie facilite l'installation de Patrick Sima et de Sophie .... au 9. Mettre des squatters dans les pattes des autogestionnaires, voilà qui ne manque pas de piquant.
L'élection de Jean Caillonneau en mars se fait d'extrême justesse grâce aux bons offices du parti communiste. Le parti de Georges Marchais préfère un maire de droite à un dissident et se charge de le faire savoir. Du coup à la mairie et à la SEMI ont fait les cartons et on couche par écrit tout ce qui fonctionnait de par un accord oral et risque de s'avérer fragile une fois la droite aux commandes. Jean-Pierre Ledent, directeur-adjoint de la SEMI, signe une lettre datée du 17 juin 1982, avertissant les habitants de la vente de l'îlot à Emmaüs. Charge à chacun d'ajouter ses nom et adresse afin d'authentifier qu'il est bien destinataire du courrier.
En attendant ce n'est pas un changement du paysage politique qui va freiner les initiatives. Thierry se lance dans des travaux visant à transformer la crèche, qui s'est arrêtée en septembre faute de combattants, en café associatif. Inspiré par la proximité de la Maison Gravant, qui fut la maison de Balzac, il nomme le café Le Gros Balzac.
Eddy lui aussi ouvre un nouveau lieu, le magasin du disquaire qui jouxte "la coop" abrîte désormais "une boutique d'informatique". Elle n'est qu'entrouverte au public mais elle existe. Eddy étend son domaine et le champs de ses activités. L'arrière-boutique de "la coop", déblayée à grand peine l'été précédent, s'entrouvre elle aussi pour les proches qui y découvrent un petit "resto" où l'on parle nouvelles technologies et réseaux informatiques conviviaux en grignotant des tartes aux légumes. Des lieux s'ouvrent mais d'autres ferment. Au 80, Grande rue la nouvelle municipalité découvre avec l'été un péril imminent et presse les nombreuses associations qui y ont élu domicile à déguerpir au plus vite. Le Planning familial et le Comité de soutien aux réfugiés du Sud-est asiatique boudent les nouveaux locaux qu'on leur proprose, il est vrai que leur aménagement laisse à désirer, et se sabordent. Autre avis de décès que l'on trouve bien entendu dans Qui Vive, celui d'ARAIVA, l'association n'a pu gérer ses conflits internes et disparaît. Seul un noyau d'irréductibles campé autour de "la coop" croit encore à la faisabilité de l'opération. Persuadéé que l'on ne négocie bien que lorque l'on tient les lieux, "la coop" accélère son extension en fournissant un branchement d'eau à un petit groupe de fidèles qui entreprend des travaux au 88, Grande rue. La société GET, propriétaire des lieux, trouve qu'après l'épisode ARAIVA un épisode "coop" serait de trop et vend une partie du membre gangréné à une société HLM : AEDIFICATE.



En journée le Gro'balz est le repaire des lycéens,
celui-ci vient de créer la maquette de son futur fanzine.



les ateliers informatiques de la coop
àl'époque on était sous DOS, Linux n'était qu'un nom de
personnage de BD


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