1985

"L'affaire MPMC" qu'évoque Jean-Jacques Guillet dans la n°1 de République a commencé en septembre 1983. Dans l'ancienne usine de caoutchouc, dite MPMC, que la mairie avait rachetée pour en faire le centre culturel de Sèvres, une association de jeunes, Issue de Secours, déchaîne les foudres de Jean Caillonneau. Issue de Secours est un café sans alcool, qui à bien des égards ressemble au Gros Balzac. La seule différence notable est que ceux qui le fréquentent sont plus bruyants que les lycéens du Gros Balzac. Ils viennent plutôt de Danton, la cité HLM, aiment le "Pogo", une danse bousculade, et sont souvent dehors, le chômage n'y est pas pour rien. Jean Caillonneau est convaincu que ces jeunes que personne n'encadre constituent un foyer de désordre. Pour lui, fermer le café et avec lui toutes les activités louches qui se déroulent dans l'ancienne usine, devient une priorité, une urgence même. Les associations s'accrochent, arguant de leur utilité sociale et des conventions passées avec l'ancienne municipalité. Mais le maire ne lâche pas prise, il tente à plusieurs reprises le coup de force, entame des procès et à bout de ressources, le 3 janvier, alors que l'usine est occupée nuit et jour par les associations sur le pied de guerre,

 

organise une opération de vidage para-militaire, avec hommes de main, barres de fer et gaz lacrymogènes. Jacques Grosset, animateur deeIssue de Secours est défenestré du deuxième étage de l'immeuble. Plusieurs autres jeunes se font bastonner. Une jeune fille est transportée à l'hôpital le crâne ouvert.
La nouvelle se répand comme une traînée de poudre :"le maire et ses adjoints ont recruté un commando de nervis pour faire leur justice eux-mêmes". La grande presse, du Monde à Libération en passant par Le Matin reprennent l'information, Sèvres est sous les feux de la rampe. La rue des Caves avait bien sûr suivi l'affaire aux premières loges, et pas seulement les gens du club de prévention Passage. Toute la rue s'était mobilisée. Les Caviens d'ailleurs se ressoudent. Les réunions plénières que convoque Espace et Vie rassemblent de plus en plus de monde, il est vrai que les sujets de préoccupations ne manquent pas. Si les travaux avancent bien au Ruisseau de la forge et sur le jardin, la concertation, elle, est au point mort. Ce silence est d'autant plus inquiétant que les rumeurs concernant la destruction du 25 persistent. Hors du secteur Emmaüs, la situation n'est guère plus brillante. Les procédures d'expulsion à l'encontre du 7, du 9 et de "la coop" se multiplient.
A force d'insistance Hercelin accepte un rendez-vous fixé au 4 février. Alain et Guy-Pat Azémar, Maude Upson, François Montaras et

 
Manu Chao fait vibré les vieux murs de la MPMC, c'est les débuts de la Mano Négra,
il joue encore du bon vieux rock qui tache

Marion Anzieu sont présents. Hercelin leur semble fatigué de toute cette histoire et désireux d'en finir. Il propose un calendrier de travail afin d'aboutir avant l'été à une situation de droit normal. Plusieurs rendez-vous sont pris, côté Emmaüs les fils du dialogue semblent vouloir se renouer. Ailleurs par contre tout va mal. En avril "la coop" est murée. Un mois plus tôt, malgré une mobilisation sans précédent provoquée par les exactions de la municipalité, MPMC était rasée. Les lieux et les associations non contrôlés par la municiplaité ont chaud aux plumes. Ces événements incitent les habitants de l'ilôt à ne pas perdre le "fil" Emmaüs et à sortir au plus vite de la situation de flou qui prévaut encore trois ans après l'achat par la société HLM. Le dossier d'aileurs avance bien. Olivier Dugas a ouvert son atelier à Ville d'Avray, et immeuble après immeuble, les projets de réhabilitation prennent forme. Même le problème de l'aile gauche du 25, dont l'état justifie la démolition, est en cours de règlement. La destruction se fera en douceur afin de ne pas abimer la partie droite, ni le bâtiment abritant Musiques Tangentes qui se trouve juste derrière. Les habitants quant à eux se serreront durant six mois, dans le reste de l'immeuble en attendant la livraison des logements PLA construits sur le jardin. Emmaüs n'a en effet prévu aucun relogement dans les 48 logements du Ruisseau de la forge. La démolition a lieu fin juin, elle se déroule comme prévu, à ceci près que pour soutenir le 25, les "Charpentiers de Paris" ont installé dans la cour deux énormes piliers qui donnent à l'immeuble un petit air malsain. Chacun est en droit de penser que l'arrêté de péril est imminant.
Au retour des vacances, ce n'est pourtant pas en haut, mais en bas de la rue que les cartons s'entassent sur le trottoir. Annie Bonnet, son fils Mathias et Alain sont expulsés du 7 suite à l'action conjointe du GET et de AEDIFICAT.
Sur la Grande Rue, "la coop" subit le même traitement et dans la foulée, les 9 et 11 rue des Caves, les 86 et 88 Grande Rue sont abattues pour des raisons "techniques".
Annie et Alain ont eu moins de chance que les habitants du 25. Ne faisant pas partie du contingent Emmaüs, on ne leur a pas proposé de relogement sur place. Passablement écoeurés par l'attitude des habitants du qartier, qui, estiment-ils, ne les ont soutenu que du bout des lèvres, ils ne cherchent d'ailleurs pas à rester. Ainsi, avec la réhabilitation du 5 dont Louis Poisson a été expulsé début 1984, le bas de la rue côté impair entre dans le rang. Côté Grande Rue, c'est la même chose, exit "la coop" et les squatters du 88.
L'addition est lourde et si les plans de réhabilitation concernant les autres immeubles n'étaient sortis de chez Olivier Dugas, approuvés par les habitants, on aurait pu dire de l'année 85 qu'elle avait été pourrie sur toute le ligne. Ah non, il y a quand même un autre motif de satisfaction ! Jo Magrean, un photographe qui habite le 28 depuis un an, a repris Le Gros Balzac. Il en a fait un petit restaurant très sympa. Parmi les spécialités du chef, le camembert panné fait l'unanimité. Il ne fait aucun doute que le créateur du Père Goriot aurait apprécié l'initiative à sa juste valeur.


Une partie de la famille Dassonville profite du jardin


Rassemblement devant la coop fraîchement murée


Jo Magrean, restaurateur-Photographe

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