1989

Ce qui déplaît le plus à l'architecte qu'est Rouben Ter-Minassian dans la manière dont Emmaüs traite le dossier Ilot de Ville d'Avray c'est l'absence de plan d'ensemble. Depuis sept ans tout a été fait au coup par coup, aucun lien n'a été envisagé entre le neuf et l'ancien, la réhabilitation n'a été pensée que par morceaux. L'idée d'installer Musiques Tangentes dans les caves est pour lui une preuve supplémentaire du "n'importe quoi" érigé en principe. Alors, puisque l'on est jamais aussi bien servi que par soi-même, il s'attaque à ce plan d'ensemble.
Personne ne lui a passé commande, il agit de son propre chef, à sa guise. François Montaras, en travaillant sur le projet du 14, s'était torturé les méninges pour tenter de concilier le cahier des charges d'Emmaüs et le point de vue des futurs habitants. Rouben, lui, ne s'intéresse qu'aux besoins des habitants et passe de maison en maison pour se faire expliquer ce que souhaitent les uns et les autres. Les "propositions constructives" qu'il remet aux habitants et à Emmaüs en avril constituent un vrai projet d'architecte, chiffré, coté, réaliste et qui plus est, inventif. Espace et Vie écrit à Claude Néry pour lui dire que les habitants soutiennent ce projet. Emmaüs n'en

accuse même pas réception. Il faut dire que la société a d'autres préoccupations. Jean Caillonneau, réélu en mars au premier tour des municipales, commence à trouver la société HLM encombrante. Elle ne rapporte rien ni en terme d'électorat ni en terme d'image. La rue des Caves fait très mauvais effet aux acheteurs potenciels des appartements que la COGEDIM commence à commercialiser. De plus, Emmaüs laisse prospérer dans ses murs des associations qu'il juge néfastes, et en premier lieu Le Gros Balzac, qu'une équipe de lycéens vient de réouvrir. Le 6 décembre, Jean Caillonneau écrit à Claude Néry et le somme de faire fermer (...) un lieu connu (dans le passé) pour la présence de "dealers" vendant aux éléves du lycée d'Etat tout proche, et à bien d'autres Sévriens, des drogues douces, mais aussi des drogues dures (...). Le ton est sans appel. Emmaüs s'exécute et le 18 décembre l'affaire passe en référé au Tribunal de Grande Instance de Nanterre. L'Office HLM n'a même pas pris le temps de constituer un dossier, il produit la lettre du maire comme seule preuve de l'urgence qu'il y a à expulser l'association. Le Tribunal demande un complément d'informations et nomme un expert. Si Emmaüs a été aussi prompt à réagir ce n'est pas parce que Le Gros Balzac l'inquiète, c'est à peine si l'Office a conscience de son existence. L'attitude du maire par contre est préoccupante. Plusieurs

 
Mais enfin pourquoi GROS ?

fois déjà Jean Caillonneau a expliqué à Claude Néry qu'il lui tardait que le 25 soit rasé et l'ensemble du Ruisseau de la Forge achevé. De plus il souhaite que la bibliothèque qu'Emmaüs doit construire pour le compte de la ville en rez-de-chaussée des futurs immeubles ne lui coûte rien. Claude Néry a beau expliquer au maire qu'une société HLM ne dégage pas de marge et par conséquent ne peut rien offrir, il n'arrive pas à se faire entendre. Jean Caillonneau laisse même entendre qu'il pourrait bien faire capoter les opérations en cours, contraindre Emmaüs à se retirer. Claude Néry n'est pas homme à se laisser intimider, mais il connaît les pouvoirs d'un maire et sait qu'il est toujours préférable de composer. Attaquer Le Gros Balzac lui permet de faire acte d'allégence sans bourse délier, c'est presque une aubaine !

 


De gauche à droite Luc Blanchard, Aurore Codazzi,
Véronique Roure

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